Hommage à Michel Bouchot
 
 

Issu d’une famille lorraine, Michel Bouchot nait le 7 décembre 1948. Il fait ses premières études au Petit Séminaire de Renémont à Jarville-la-Malgrange, près de Nancy. Puis, après deux années de théologie au Grand Séminaire de Saint-Dié, sentant qu’il n’a pas la vocation de devenir prêtre, il décide d’intégrer l’Université de Nancy afin de développer ses connaissances et compétences en Histoire-Géographie. Ce qui constituera un atout indispensable pour son futur métier de professeur. C’est ainsi que – dans le cadre de l’ancien Service de la coopération – il obtient son premier poste d'enseignant… en République du Congo, au Petit Séminaire de Makoua, lieu touristique qui a la particularité d'être traversée par l'équateur !

Ce n’est qu'en 1975, après une ultime formation, qu'il débute véritablement sa carrière comme enseignant spécialisé (hautement qualifié) à l'Institut des Jeunes Sourds de la Malgrange… en quelque sorte, une autre vocation ! Poste qu'il occupera jusqu'à son départ à la retraite, en septembre 2010.

En dehors de sa vie professionnelle exemplaire, Michel Bouchot excelle également – avec grande modestie – dans de nombreux domaines variés tels que les productions végétales, la peinture, la photographie, la maçonnerie (le professionnalisme qu’il manifeste dans ce domaine est reconnu de tous), les collections d'objets de la vie quotidienne et bien d’autres champs d’action encore dans lesquels il démontre son savoir-faire… et son enthousiasme !

Mais, c’est surtout dans le cadre d’un projet de retraite ambitieux que Michel va révéler des talents insoupçonnés. Dans cet aperçu biographique en son hommage, attardons-nous particulièrement sur cette période féconde de sa vie… non sans puiser dans ses albums de photos personnels.

Peu de temps avant la fin de sa carrière professionnelle, il forme en effet le dessein de créer en pleine nature – au sein d'un boqueteau (1) du Parc Naturel Régional de Lorraine – un espace culturel insolite célébrant à la fois l’histoire locale, la botanique et la sculpture sur bois, tout cela à travers un parcours ludique et pédagogique.

 
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Rapidement le projet prend forme et les premiers visiteurs sont accueillis en 2011. Mais, écoutons d’abord l’auteur lui-même nous parler de sa nouvelle réalisation, qu’il dénomme Arb’erratum : « Pourquoi ce nom ? Etant donné que le site se compose essentiellement d'un bois dont les arbres sont soi-disant remarquables, il fait penser à un arboretum. Par contre, comme il y a des "erreurs" (erratum en latin) sur l’identité de ces derniers, j'ai fait ce jeu de mot : arb'erratum. […] On s'amuse comme on peut ! En effet je m'aperçois que ce petit lopin de terre boisé possède bien des richesses et a une histoire qui a commencé, semble-t-il, à l'époque romaine... C'est le carrefour entre une voie romaine et une voie de 60 militaire de la guerre de 14-18. Ces faits et bien d'autres seront relatés dans une exposition qui se tiendra dans la cabane. Une autre richesse – botanique – est la présence d'orchidées sauvages sur ce site. Deux espèces : la première, l'Orchis militaris et la deuxième, une Platanthera que j'ai photographiée hier. Une vraie biodiversité que je vais essayer d'inventorier (2). »

 
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Au cours des années qui suivent, l’Arb’erratum s'enrichit de plusieurs ensembles de sculptures sur bois, qui sont autant d'autres ateliers pédagogiques à découvrir. Ainsi, à travers ses sculptures originales, Michel, également virtuose de la tronçonneuse, développe un répertoire de quelques-uns de nos termes ou expressions polysémiques liées au bois et à la forêt. Une démarche qui n’étonnera personne compte tenu des qualités d’enseignant propres à l’artiste en question. Et dans ce jeu pédagogique, il s’agit généralement et tout simplement pour lui d’exploiter le sens « primaire » des vocables choisis, qui est ainsi magnifiquement représenté et expliqué… tandis que le visiteur, de son côté, est invité à deviner le sens figuré. Véritable outil pédagogique hors du commun, ce petit musée de plein air est une merveille, comme en témoignent les commentaires des visiteurs laissés sur le « Livre dehors ».

 
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Malheureusement, en 2012, une lourde maladie bouleverse la vie de Michel, alors âgé de soixante-quatre ans, mais sa détermination n'en demeure pas moins ferme. En dépit de cette terrible affection qui le ronge inexorablement, des multiples hospitalisations et des souffrances indicibles qui l’accablent, il n'est pas prêt à abandonner sa passion. Pendant les trois années d'évolution de sa maladie – qui allait l'emporter le 15 septembre 2015 –, il a encore suffisamment de forces pour se rendre assez régulièrement à son Arb’erratum pour l’entretenir, voire le développer en y plantant de nouvelles espèces d’arbres afin d'améliorer la biodiversité de l'endroit.

Aussi, pouvons-nous saluer le parcours exemplaire de ce travailleur infatigable, les multiples talents qu'il démontre dans son activité professionnelle comme au travers de toutes ses réalisations culturelles et artistiques. De même empressons-nous de vanter ses qualités humaines exceptionnelles (intégrité, efficacité, engagement au service des autres, bienveillance), ses qualités de pédagogue (créativité, empathie), et de jardinier (humilité, persévérance). Il nous laisse aussi et surtout l'exemple d'un courage héroïque – surhumain – avec lequel il affronte, à la fin de sa vie, une maladie terrifiante.

Enfin, même si après ses études au séminaire il se détourne de la voie de la prêtrise, Michel est aussi, et restera toute sa vie, un homme de foi imprégné de l'Evangile de par sa formation initiale. Foi dont il témoigne notamment lors de la messe dominicale en confessant le credo commun aux religions chrétiennes. Durant les trois dernières années de sa vie, faisant donc preuve d'un rare courage devant la maladie, il sait que dans ses souffrances, Dieu est avec lui : « Je vais me battre pour vaincre cette maladie avec la grâce de Dieu (3) », nous écrit-il en octobre 2012. En un mot, Michel met sa confiance en Dieu, source de son espérance. Comme tous les chrétiens, il a la conviction que la vie éternelle promise est certaine et n'hésite pas à le marteler dans ses derniers écrits.

En passant, nous disons également toute notre admiration à Micheline, son épouse et Isabelle, sa fille qui, inaccessibles au découragement, s’impliquent fortement dans le soutien et l’accompagnement de Michel tout au long de sa dure maladie.

Nous avons ainsi souhaité marquer le cinquième anniversaire de la disparition de Michel Bouchot en publiant cette page (illustrée de photos de quelques-unes de ses œuvres) qui lui est dédiée. Il n'était que juste de rendre hommage à l'action éminente de cet enseignant artiste – aussi polyvalent que talentueux –, à ses remarquables qualités humaines, à son érudition et à ses réalisations exceptionnelles. Nous avons conscience de ne l’avoir fait qu’imparfaitement… du moins, avons-nous tenté de le faire avec respect et admiration.

Claude Bouchot
15-9- 2020

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1. Plus précisément, au lieu-dit « Haie l’Etot » sur le territoire de la commune de Royaumeix
2. Michel Bouchot, communication personnelle, 27-5-2011.
3. Michel Bouchot, communication personnelle, 15-10-2012.

 
 
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