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La vie champêtre
 
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Au jardin
 

Progressivement, après quelques aménagements, les abords de la maison forestière s’étaient transformés en écrin de verdure. Un vrai paradis pour les enfants ! De cet espace vert d’un hectare, j’en connaissais chaque mètre carré, chaque arbre, chaque sentier et surtout chaque talus. En effet, mes frères et moi, avant « l’âge de raison », étions tacitement autorisés à assimiler ces pentes herbeuses à des toboggans naturels qui d’ailleurs, valaient bien ceux de nos aires de jeux actuelles ! Les descentes en glissade sur notre fond de culotte, d’autant plus agrémentées que le fossé au bas du talus était rempli d’eau, faisaient en tout cas partie de nos sports favoris !

Et pendant ce temps, dans la cuisine familiale, nos pantalons sales de la veille dégorgeaient sous le couvercle de la lessiveuse à côté d’un énorme faitout rempli de pommes de terre, aliment de base de la ration journalière des volailles (1). En d’autres termes, la vie quotidienne à la maison forestière n’était pas du tout perçu de la même façon par nos parents qui devaient compenser par un patient labeur l’absence de quantité de produits manufacturés dont nous ne pouvons nous passer aujourd’hui. Toutefois, dès l’âge de 6 ou 7 ans, la sagesse aidant, mes frères et moi collaborions volontiers aux tâches (et non plus aux taches !) domestiques ainsi qu’aux travaux du jardin.

A ce sujet, nous étions particulièrement motivés pour bêcher le jardin car nous savions, comme dans la fable, qu’un « trésor » y était caché. Il faut préciser que le terrain en question recelait des vestiges de l’armée datant de 1914-1918 et des cartouches de guerre (le trésor !), il y en avait à profusion dans la terre cendreuse. Plus exactement, d’une bonne après-midi de travail, nous escomptions une récolte de 10 à 12 cartouches !

Les démineurs en herbe que nous étions avançaient trois « bonnes » raisons de rechercher ces munitions obsolètes mais encore dangereuses. La principale était sans aucun doute le plaisir de brûler, aussitôt son extraction des douilles, la poudre au beau reflet métallique. Il y avait aussi indéniablement un petit goût du risque : aucun adulte ne se serait risqué à désolidariser un projectile de sa douille tous deux corrodés par le temps. Mais nous, gamins expérimentés, pouvions le faire « sans danger » et sans outils spéciaux ! Il suffisait de respecter rigoureusement un « protocole secret » que le « démineur-chef », aujourd’hui âgé de plus de 70 ans et davantage sensible à la sécurité, n’a pas jugé raisonnable de publier ici, n’en déplaise au lecteur qui verrait là une tradition locale disparaître ! Enfin, la dernière raison pouvant expliquer notre zèle inhabituel au jardin était le prix – dérisoire – que nous offrait un ferrailleur ambulant pour l’achat de notre cuivre si difficilement récolté ! Cela dit, de l’efficacité de notre bêchage dérivait généralement, outre le métal rouge, de bonnes récoltes de légumes dont la plus grande partie était mise en conserves.

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1. La pomme de terre était couramment employée en alimentation animale où elle remplaçait une partie des céréales. Les poules la mangeaient volontiers sous forme de purée mélangée à du son de blé (50 grammes de pomme de terre cuite + 20 grammes de son par animal et par jour).

 
© Claude Bouchot